La digitalisation du connaissement prend un essor. Au cours de l’été, FIT Alliance, le gouvernement britannique, MSC et Cosco ont multiplié les annonces en faveur de ce mouvement.
L’arrêt de Tradelens en mars a bouleversé le monde du maritime. De nombreux observateurs ont crû à la fin des avancées technologiques dans le secteur. En fait, la révolution numérique est en marche dans le monde maritime. La perte d’une bataille ne signifie pas la fin du mouvement.
FIT Alliance donne un nouvel élan
En septembre, FIT Alliance (Free International Trade Alliance) publie une déclaration sur la digitalisation du connaissement maritime. Alors, la déclaration vise à obtenir l’engagement de toutes les parties prenantes du commerce international à promouvoir la numérisation, en commençant par les e-B/L, au sein de leurs industries. FIT Alliance regroupe des organisations internationales comme le Bimco, la DCSA, l’ICC (Chambre de commerce internationale) et des organisations bancaires. Une déclaration qui doit donner un nouvel élan à la digitalisation du connaissement maritime.
Une économie de 30 Md$
Un appel qui prend toute sa mesure dans le contexte actuel. Selon DCSA (Digital Container Shipping Association), seulement 2,1% des B/L sont électroniques sur les 45 millions édités chaque année. L’objectif de cette organisation vise à atteindre un taux de 100% de numérisation des B/L en 2030. Et ce cap à atteindre présente un double objectif. En effet, une étude du consultant Mc Kinsey estime que la réalisation à 100% du e-B/L dans la conteneurisation débloquera 30 à 40 Md$ de croissance en réduisant les « frictions commerciales ». De plus, le 100% de e-B/L s’inscrit dans la décarbonation du maritime. Le passage du connaissement papier à sa version électronique sauvera 28 000 arbres par an.
MSC fait la promotion du e-B/L
De plus, en août, MSC a publié un guide pour la promotion au e-B/L. L’armateur indique « que la question de la digitalisation est passée du pourquoi au comment. Désormais, le pourquoi est plus important que jamais ». Et pour passer au 100% de e-B/L, trois barrières majeures demeurent. La première concerne l’interopérabilité. En effet, quel que soit la plate-forme qui émet le connaissement maritime électronique, il doit pouvoir être lu par toutes. « Il faut sortir d’une situation en silo », argumente MSC.
Une reconnaissance universelle
La seconde barrière concerne la reconnaissance du e-B/L. Chaque partie impliquée dans le transport maritime, depuis l’armement jusqu’aux banques Alors, pour favoriser le passage au document électronique, deux éléments majeurs sont à prendre en compte. D’une part, il est nécessaire de former les personnes pour passer du papier au document électronique. D’autre part, il est nécessaire de standardiser le connaissement. Un sujet sur lequel travaille actuellement la DCSA en lien avec d’autres organisations internationales.
Digitaliser tous les documents
Enfin, la troisième barrière à lever a trait à une digitalisation de tous les documents. Effectivement, une expédition maritime nécessite une liasse importante de documents. Elle peut aller jusqu’à plus de 30 documents. Alors, même si le B/L est digitalisé, son efficacité sera limitée sans un mouvement identique pour les autres documents.
Le e-B/L pour les vracs secs
Et pourtant, Tradelens a suscité de l’intérêt. Néanmoins, étant une plateforme trop identifiée au groupe Mærsk, les autres opérateurs ont montré des réticences à adhérer. Est-ce pour autant la fin de la digitalisation dans le transport maritime ? La réponse semble pencher en faveur du non. En effet, si le monde de la conteneurisation peine à adopter le e-B/L, dans le secteur des vracs secs des signes de croissance apparaissent. Ainsi, FIT Alliance souligne que « quatre des plus grandes sociétés minières mondiales transportent déjà environ 20 % de leurs expéditions de minerai de fer par le biais d’e-B/L ».
Cosco Bulk adopte le connaissement électronique
Ainsi, le 1er août, Cosco Bulk a transporté 75 000 t de charbon entre Newcastle (Australie) et la Chine sous un B/L digitalisé. « Une procédure permise grâce à la technologie de la blockchain et d’outils technologiques. De plus, cela signifie que l’implémentation du système IQAX est opérationnel pour le transport de vracs », indique un communiqué de Cosco Bulk. Une opération qui permet de se projeter dans l’avenir plus sereinement pour adopter la digitalisation du B/L. Néanmoins, l’adoption de cette procédure est avant tout une opération réalisée par des institutions chinoises et l’exportateur australien.
Une loi britannique valide les documents électroniques
Alors, si aujourd’hui la digitalisation des documents trouve difficilement sa place, la volonté politique des gouvernements reste une barrière importante. Le 20 juillet, le gouvernement britannique a franchi le pas. Il a adopté une loi qui valide les documents électroniques. Le Electronic Trade Documents Act donne la même valeur juridique aux documents électroniques qu’aux documents papier. Pour le ministre du commerce britannique, Nigel Huddleston, “ce texte permet un commerce plus facile et de réduire les coûts. De plus, la digitalisation évite la perte de documents et des sauvegardes plus fortes, elle vise à une plus grande sécurité dans les échanges commerciaux. »
En attendant la France
En France, aucun texte n’accorde une valeur aux documents électroniques du commerce. Des thèses de droit mettent en lumière la validité d’un B/L sous forme électronique. Cependant, il faut pour cela se référer à des jurisprudences commerciales et civiles. Or, la jurisprudence peut changer.